Que faire à cette époque de l’année si l’on habite
la campagne ? Se promener ?… mais le regard ne
rencontre que tristesse et ennui ! tout est uniforme
et nu. Galoper dans les steppes arides ?… mais le
cheval glissera sur la glace et s’abattra. Restez
donc sous votre toit solitaire : lisez ! N’avez-vous
pas Pradt ; n’avez-vous pas Walter Scott ? — La
lecture vous ennuie ? eh bien ! réglez vos comptes,
fâchez-vous, mettez-vous en colère, ou versez-vous
à boire, et la longue soirée passera, et la
journée de demain ; et l’hiver arrivera à sa fin.
Comme Childe-Harold, Onéguine s’abandonne à
une paresse rêveuse. Au saut du lit, il se jette dans
un bain d’eau froide, et, toute la journée, il reste
à la maison et s’enfonce dans les calculs, ou bien,
armé d’une queue émoussée, il joue seul au billard
avec deux billes. Le soir, le billard est délaissé et
la queue repoussée. Assis à la table dressée devant
la cheminée, Eugène attend : tout-à-coup Lensky
arrive dans sa troïka attelée de chevaux gris. Vite
à table !
Une pieuse[1] bouteille d’un Cliquot frappé est
- ↑ Sans doute la pia testa d’Horace.