Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/91

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leuses, indifférentes aux soupirs passionnés et aux flatteuses adulations de leurs adorateurs. Leurs mœurs sévères rebutaient d’abord un amoureux timide, mais bientôt elles savaient l’attirer de nouveau, par un regard, par une parole, et le crédule amant revenait s’enchaîner au char de la coquette.


En quoi donc Tatiana est-elle plus coupable que ces femmes ? Est-ce pour avoir, dans sa charmante simplicité, ignoré le mensonge et cru à son rêve ? est-ce parce qu’elle aime sans artifice, parce qu’elle obéit à l’attrait d’un sentiment qu’elle ignore ? est-ce parce que le Ciel l’a douée d’une imagination ardente, d’un esprit brillant, d’une volonté forte et d’un cœur tendre et passionné ? — Auriez-vous donc le courage, qui que vous soyez, de ne pas lui pardonner sa conduite imprudente ?


La coquette juge froidement : Tatiana aime sans calcul ; elle se laisse dominer par le sentiment qu’elle éprouve, comme une enfant à qui son inexpérience ajoute un nouveau charme. Elle ne se dit point : Ne nous hâtons pas, c’est le moyen d’augmenter l’ardeur de son amour, de le faire plus facilement tomber dans nos filets. Flattons d’abord