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Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/26

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les lois scélérates de 1893–1894

droit commun les délits de presse n’iraient ni au juge correctionnel ni à aucun autre, car ils ne seraient pas punissables. Le Code pénal ne punit que la complicité directe, matérielle, concrète : il n’atteindrait pas les provocations ou la propagande de la loi de 1881. Le délit de presse est par lui-même exceptionnel ; le rendre au juge du droit commun, qu’est-ce que cela signifie ?


V. — Je n’ai pas besoin de dire que cependant la Chambre vota le passage à la discussion des articles. Elle repoussa le contre-projet de M. Guesde qui, par une ironie pleine de raison, demandait simplement qu’on abrogeât les lois d’exception de 1893. Elle repoussa, par 298 voix contre 238, le contre-projet de M. Julien Dumas qui admettait le nouveau délit de propagande privée créé par l’art. 2, mais qui ne voulait pas de la correctionnelle, n’admettant pas « une infraction de presse jugée dans l’ombre par des juges nommés, choisis, envoyés par le gouvernement et pouvant prononcer une peine perpétuelle ». Des amendements plus modestes de MM. Rouanet et Chapentier furent repoussés et, après des débats houleux et d’une extrême confusion, l’art. 1er, enrichi de la disposition de M. Bourgeois, fut voté par 426 voix. La majorité qui ne parlait pas, se rattrapait en lançant les interruptions les plus bizarres. L’opposition luttait pied à pied. Elle multipliait les amendements et les scrutins à la tribune. La Chambre peu à peu s’affolait. Les débats offrirent bientôt un curieux mélange d’intolérance et d’incohérence que deux incidents, que je choisis presque au hasard, feront sentir plus vivement que tous les commentaires.

Le 20 juillet, M. Rouanet proposait un amendement aux termes duquel, pour frapper les provocations aux militaires, on aurait distingué entre le temps de guerre et le temps de paix. Au cours de sa discussion, il cita ces paroles du général Foy : « L’obéissance de l’armée doit être entière, absolue, lorsqu’elle a le dos tourné à l’intérieur et le visage tourné vers l’ennemi, mais elle ne doit plus être que conditionnelle lorsque le soldat a le visage tourné vers ses concitoyens. » M. Georges Berry interrompit alors : « C’est là le langage d’un factieux. » « Si le citoyen Labordère était là, continua