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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/119

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IDYLLE SAPHIQUE

non ! criait-elle en regardant Annhine… Je me révolte de toute ma force ! Je la veux !… Elle tomba à genoux, suppliante, tendant les mains vers Annhine effrayée… Madame… rendez-la moi ! je vous la demande ! On vous aime partout… que ferez-vous d’elle ? Rendez-la moi ! Dites-lui… renvoyez-la… chassez-la… elle me reviendra peut-être alors… Rendez-la moi ! Rendez-la moi !… Je vous en prie… rendez-la moi !…

Inconsciente, en folie, elle répétait son ardente prière d’une voix enrouée, rauque… hagarde, fixant Nhine de ses suppliants regards où elle concentrait toute son âme.

— Pauvre petite !… et Nhine effleura son front d’une caresse… Pauvre petite veuve !…

Jane se recula comme si on l’eût touchée d’un fer rouge… elle vacilla sur elle-même et retomba, brisée, sur le tapis, incohérente… la réaction se faisait. De longs sanglots vinrent la soulager, des plaintes moins âcres montaient à ses lèvres, tandis que de gros soupirs la secouaient toute. Peu à peu elle se calmait. Tout bas, Nhine lui disait de très douces paroles, l’exhortant à la résignation :

— Vous êtes mariée, Jane, vous avez des enfants, sans doute ?

Sur un hochement négatif de la malheureuse :

— Non ? c’est grand dommage ! Mais vous avez un devoir envers celui dont vous portez le nom, envers vous-même, envers votre famille… Oh ! une