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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/16

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IDYLLE SAPHIQUE

gieux qui s’assit en une pose d’attention sévère et recueillie.

— Commencez, ma Fille, et ne me cachez rien !

— Mon Père, mon péché c’est l’Amour !

— Ah ! bien, ou plutôt mal, car c’est mal, très mal, de se laisser aller à ce funeste penchant… et vous avez un amant, sans doute, vous avez…

— J’en ai plusieurs, mon Père !

— Oh !

— Mais oui !… Le premier est un amant utile, je dirai même nécessaire, il est vieux, riche, généreux ; je lui suis attachée par l’habitude, le besoin, une sorte d’amitié affectueuse, une espèce de devoir… c’est pour ainsi dire mon amant numéro un, ou mon mari si vous préférez, quelque chose de presque légitime enfin !

— Ah ! bien… je comprends… ensuite ?

— Ensuite vient le second : jeune, gentil, vigoureux ! Oh ! vigoureux surtout !… Il me donne ce que ne peut plus m’offrir le premier. Ah ! mon père, que de jouissances folles avec mon Raoul ! Depuis cinq ans bientôt, nous n’avons vécu ensemble que d’une chaise longue à un lit ! Il est mon amant numéro deux, mon véritable amoureux, celui-là… mon péché, mon…

— Continuez… continuez… après ?…

— Après, viennent les petits d’occasion : occasion agréable, occasion utile, occasion cherchée, occasion soudaine, occasion flatteuse pour mon amour-propre. J’ai un tempérament excessif, voyez-vous, mon père,