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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/167

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IDYLLE SAPHIQUE

bois !… — Elle remplit son verre. — Je suis un bon vivant, moi ! Je ne te défends pas de te mortifier et de prier en mon lieu et place lorsque tu n’es pas en ma compagnie, mais à ma table, tu dois rire et polissonner, entends-tu, l’abbé ?

— Ah ! si je pouvais parler, moi ! Ce que je te dirais, marquis !

— Voyez-vous ça !… Quoi donc ? Mais parle, sacripant, ou je te délie la langue en te rebaptisant avec une bouteille de ce vin de Champagne qui ne l’est pas… baptisé… lui !

— Eh bien ! de mon côté, marquis, j’ai un trio d’exquises beautés, grandes pécheresses devant le Seigneur et bacchantes à nulles autres pareilles devant moi — et que j’absolutionne après leurs erreurs dont je profite chaque semaine. — Ce sont trois lesbiennes qui s’aiment sous mes yeux… De l’or roux, de l’or pâle et de l’ébène ! Une trinité amoureuse, soumise à mes désirs…

— Tes désirs, l’abbé ! Ils doivent être blancs comme les lunes d’hiver… doux comme l’œil d’une biche, inoffensifs, timides…

— Détrompez-vous !…

Et l’abbé chuchota, regardant furtivement autour de lui si quelque indiscret pourrait l’entendre… D’abord, il les confessait nues, puis celle qui a commis le moins de fautes reçoit la plus grosse pénitence… oui, c’est ainsi réglé… et la pénitence consiste… il parlait plus bas encore : en ceci…