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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/234

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IDYLLE SAPHIQUE

vivra, il reprendra des forces, son mal est peu profond physiquement, c’est le moral qui est surtout attaqué. C’est un tendre. Qu’il trouve une femme, un sentiment qui l’attire, l’entraîne, le fasse oublier, et il revivra. Au fait — elle devint rêveuse — voilà ce que je pourrais faire, moi, ce serait bien : m’attacher à cet enfant, lui jouer la comédie de l’amour, le ranimer, le sauver. Ce serait un noble dévouement, un but en dehors de ma vie, il me plaît tant que ce ne me sera pas difficile… Si j’essayais ?

Nhine fit la grimace :

— Mais pense donc, chérie, un poitrinaire !

— Il est si beau, Nhinon, si tristement intéressant, avec son teint pâle et ses grands yeux profonds d’ombre et de mystère, il touche déjà à la porte de l’éternité. Je ferai ça, oui… je le ferai.

— Moi, j’aime la force, déclara Nhine.

Elles s’en retournèrent. L’enthousiasme d’Annhine était tombé, elle se sentit lasse, lasse comme si elle allait défaillir. Elle se coucha sans dire un mot, sans plus s’occuper de rien. Altesse se trouva seule pour recevoir Robert Régis au milieu du désordre des paquets amoncelés qu’elle ne songeait plus à défaire.

— Je suis inquiète, dit-elle. Nhine se sent mal, j’ai envie de faire chercher le médecin, il me rassurera au moins.

— J’y vais, répondit Robert, j’ai là une voiture, je le ramènerai.