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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/248

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IDYLLE SAPHIQUE

très gosse, ayant à peine dix-huit ans. Il avait souvent entendu parler d’Annhine, il la suivait, de loin, aimant à la voir passer, à lire son nom dans les échos, s’initiant ainsi à ce qu’elle faisait. Il savait son long voyage et croyait en connaître les causes. Là, il s’arrêta rougissant, confus d’avoir trop parlé. Elle le taquina, l’interrogea. Il cita, à propos et finement, quelques vers du poète qui justement se trouvait être le préféré du moment, puis il demanda l’autorisation de se présenter chez elle.

— Volontiers !… Quand ?

— Je suis très tenu, Madame, ma famille me considère encore comme un véritable enfant, mais dès que je pourrai m’enfuir ce sera pour courir près de vous. À cinq heures, un de ces soirs, si vous le voulez bien, j’irai tenter ma chance, mon bonheur…

Il lui baisa la main et disparut, ému, emportant dans son cœur tout un monde d’illusoires désirs et d’enivrants espoirs. — J’irai chez elle demain, ce soir, se disait-il, puis une fierté d’enfant le prit. Non, il ne faut pas s’emballer, elle me devinerait trop amoureux et se moquerait de moi, je me présenterai après-demain seulement. Il se raisonnait, se combattant lui-même. Trois jours après, Nhine rentra très tard ; on lui remit la carte du jeune Sommières qui était venu en son absence. Il avait voulu l’attendre, était ressorti, puis revenu ; finalement il s’en était allé tout triste, déconfit, disant