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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/250

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IDYLLE SAPHIQUE

tout petits. Quelque chose m’a dit que je vous rencontrerais, mais oui, malgré ce temps, malgré… mais vous allez vous moquer de moi !…

— Vous êtes trop gentil pour ça, lui dit-elle — elle se détournait afin de lui sourire, avec un geste plein de grâce — et au fond — elle le menaça — vous n’en croyez pas un mot !

Il la supplia :

— Demain ? Dites, demain vous trouverai-je chez vous vers cinq heures ?…

— Pourquoi cette heure malencontreuse qui est celle de la vie au dehors, du Bois, des essayages ?… Venez donc plus tôt !

— Impossible, hélas ! Je travaille… il hésitait… je prépare des examens…

Elle rit de sa désolation, de sa voix qui tremblait :

— Alors… plus tard ?

— C’est que… je dois rentrer chez moi…

Il était tout déconcerté, sa figure devenait triste.

— Vous avez de jolis yeux bleus, dit-elle tout à coup, oui… je serai chez moi demain. Maintenant, il faut rentrer. Partez en avant que je vous admire, mon beau cavalier !

Il la regardait, heureux, le visage rayonnant ; il se sentait homme, très fort, il eût défié le monde entier. Pour baiser le bout de ses doigts, il se pencha à se faire désarçonner, puis il partit. Au milieu de la grande allée, il se retourna afin de l’apercevoir encore. Elle le suivait, agitant la main en signe d’adieu. Pen-