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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/259

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IDYLLE SAPHIQUE

tientée allait retéléphoner à son amie quand Aline, sa femme de chambre, annonça mademoiselle Louisette, de la maison Lewis, et dans un éclat de rire, après une vague perception de chuchoteries et de grimaces, Tesse qui allait répondre presque furieusement : — Êtes-vous folle ? Vous savez bien que je ne reçois pas — aperçut devant elle Annhine, Annhine transfigurée, méconnaissable, qui n’avait pu garder son sérieux jusqu’au bout, ce qui avait gâté l’effet de la surprise. Oui, c’était Nhine, cette gosse aux cheveux noirs ébouriffés, vêtue comme une grisette, comme celles d’autrefois pourrions-nous dire, car aujourd’hui la dernière d’entre elles saurait en remontrer à la première de nos élégantes… Elle avait une petite jupe noire, écourtée, qui pendait un peu à droite et une veste beige s’ouvrant sur une petite chemisette blanche, simple, presque naïve, fermée par trois boutons de nacre, un ruban rose à l’encolure, un petit canotier crânement posé sur la tête si changée sous ses boucles brunes et si gentille quand même. Elle se retroussa jusqu’aux genoux et esquissa un pas en s’écriant :

— Admire, Tesse ! Mes bas noirs, en grosse soie, puis mes petits vernis du High-Life ; comme on ira sur les chevaux, lapins, chats de bois, je me suis fichue un bracelet, un esclavage d’argent à la cheville afin d’exciter les vieux messieurs.

Et, imitant la Goulue, elle levait sa jambe, très