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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/29

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IDYLLE SAPHIQUE

avais sur la poitrine une simple croix de diamants qui complétait encore l’angélique illusion !

— Alors ?

— Alors j’ai senti en moi un irrésistible désir de te voir, de te parler, de t’effleurer… et je suis venue… sans hésiter… Annhine ! quelle joie ! Tu m’as reçue… tu es bonne… merci !

— Et toi, qui es-tu ?

— Que t’importe !… et elle couvrait de baisers et de frôlements caresseurs la main pâle et le fin poignet d’Altesse.

— Non !… Si !… Dis-moi qui tu es…

— Tu sais mon nom !… Pour le reste, je suis une folle, mais tant mieux… les fous ont de plus beaux rêves que les sages !…

— D’où viens-tu, passante mystérieuse ?

— D’un lointain pays d’Amérique… du pays de l’or et de la liberté : de San-Francisco !

— Le pays de l’or et de la liberté, soupira Tesse, il en existe donc un autre que Cythère ?… Et tu as osé le quitter !… Pourquoi ?

— C’était pour m’en venir vers toi… vers une autre civilisation plus épurée, plus morbide… pour vivre un peu dans l’atmosphère brûlante et enfiévrée de Sodome et de Gomorrhe… vers là, où, presqu’en liberté, peuvent s’accomplir les divines étreintes des lascives faunesses modernes.

— Alors… c’est donc ça !… Tu es…

— Oh ! de grâce, ne flétris d’aucun nom le senti-