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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/322

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IDYLLE SAPHIQUE

me lever, tu sais, on t’attendait pour ça, le docteur l’a permis, et puis dans trois jours nous partirons chez toi, à Ville-d’Avray, ce sera charmant ! C’est préférable à n’importe quel autre endroit, on a tout Paris sous la main, et on est en pleins champs ; par exemple, je n’irai pas au parc de Saint-Cloud ; la dernière fois ça m’avait rendue trop triste. Je me souviens, c’était avec Flossie… Où est-elle, Flossie ?… partie ?… Non !… Non !… — elle secouait la tête, — ne me blague plus, Tesse, je sais la vérité !… — elle se penchait à son oreille : — je l’ai vue, elle est venue ici, je te dis et elle m’a promis de revenir, de m’emmener, nous devons nous marier, oui, au même homme, tu verras ça, on t’expliquera tout après, oui, ma grande, car toi… — elle faisait de grands gestes : — toi, c’est sacré, vois-tu, c’est quelque chose à moi, la mort seule nous séparera ! Tesse, je vais bien mieux… alors que fera-t-on ?… Ah ! oui, l’été chez toi ; je ne suis pas assez forte encore pour voyager bien loin, l’été chez toi, puis ensuite viendra le grand bouleversement, toutes les trois avec ce Willy, il ne s’embêtera pas celui-là avec nous toutes !… Ah ! je suis gaie, gaie, je suis contente, je vais beaucoup manger, j’ai faim, je veux reprendre vite, engraisser… S’il ne veut pas, on vivra ensemble quand même, on voyagera tout le temps, je ferai du théâtre, toi aussi, elle aussi, on montera quelque chose de joli, une féerie inouïe, unique, une troupe qui parcourra le monde entier, mais jamais,