Page:Pourtalès - Deux Contes de fées pour les grandes personnes.djvu/37

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roulaient les quatre petits triangles blancs autour de ses prunelles. « Un nègre parle toujours anglais », pensa le philosophe, et il l’aborda. Gualtero ne se trompait point. Le nègre lui apprit qu’il était « chasseur » de l’établissement dont il gardait la porte, que, la nuit venue, il faisait partie de l’orchestre et qu’au demeurant la vie était excellente quand on avait, comme lui, un bon manteau galonné, quelques pièces d’argent tous les jours et un souper servi chaud sur le coup de minuit. Ceci dit, il se remit à se balancer et à sourire dans l’obscurité. Gualtero laissa passer le temps de plusieurs réflexions, puis, à cause du grand isolement où il se trouvait, entama le récit d’une partie de ses aventures, ne déguisant que par pudeur son état de philosophe-errant. Le nègre sembla s’y intéresser vivement et l’interrompit par de fréquents éclats de rire un peu déconcertants. Quand Gualtero eut achevé, le chasseur ôta sa casquette pour gratter avec énergie sa sombre tête, puis il dit : « Nous avions ici un danseur russe ; il nous a quittés hier ; peut-être pourrais-tu le remplacer si tu sais danser ? » Mais le