Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/138

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Ces plaintes sortaient de ma bouche en marchant, et loin de faire réflexions que les noms que je lui donnais supposaient des droits qu’elle ne m’accordait pas sur elle, j’aurais commencé infailliblement par les plus durs reproches, si je lui eusse trouvé en arrivant le moindre air de crainte et d’embarras. Mais ma propre confusion fut extrême, lorsque je la vis au contraire tranquille, riante, et comme prête à s’applaudir du bonheur dont on venait de l’assurer. Elle ne laissa pas durer longtemps mes doutes.

« Convenez, me dit-elle, que je n’avais pas d’autre ressource pour me délivrer des importunités du Sélictar. Mais si votre voiture est prête, il faut quitter la ville avant que la nuit soit passée. Et je serais fâchée, ajouta-t-elle, que vous eussiez mis le maître de langues dans notre secret, car je commence à voir clairement qu’il nous trompe. »

Comme j’étais encore plus embarrassé de ma joie que je ne l’avais été de ma douleur, elle eut le temps de me raconter qu’après s’être ouverte à lui du projet de son départ, elle avait eu la satisfaction de le trouver fort disposé à la servir, mais qu’au travers de son zèle elle avait su distinguer que l’intérêt était son seul motif. Il lui avait demandé la permission de garder les présents du Sélictar, en lui représentant qu’elle devait être fort indifférente pour ce qu’on penserait d’elle après son départ.