Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/149

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« Ô ! le meilleur de tous les hommes, me dit-elle, par une expression qui est commune chez les Turcs, jugez mieux des sentiments de votre malheureuse esclave, et ne croyez pas qu’il y ait jamais rien de vous à moi qui puisse porter le nom d’offense ! Mais vous m’avez percé le cœur d’un mortel chagrin. Ce que je vous demande, ajouta-t-elle, puisque vous me laissez la liberté de vous expliquer mes désirs, c’est de me laisser passer la nuit dans mes tristes réflexions, et de permettre demain que je vous les communique. Si vous trouvez un excès de hardiesse dans la prière de votre esclave, attendez du moins que vous connaissiez mes sentiments pour les condamner ! »

Elle voulut se laisser tomber à mes pieds. Je la retins malgré elle, et, me levant du sopha où je m’étais assis pour l’entendre, je pris un air aussi libre et aussi désintéressé que si je n’eusse jamais pensé à lui faire la moindre proposition d’amour.

« Retranchez, lui dis-je, des termes qui ne conviennent plus à votre situation. Loin d’être mon esclave, vous auriez pu prendre sur moi en empire que je me sentais trop de penchant à vous accorder. Mais je ne voudrais pas devoir votre cœur à mon autorité, quand j’aurais droit d’employer la contrainte. Vous passerez cette nuit, et tout le reste de votre vie, si c’est votre dessein, avec la tranquillité que vous paraissez désirer. »

J’appelai aussitôt son esclave, à qui j’or-