Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/166

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seulement pour lui procurer ce que je croyais de plus propre à l’amuser dans sa solitude, mais pour lui donner le temps d’établir son autorité et l’ordre qu’elle voudrait dans sa maison. Je déclarai là-dessus mes intentions au petit nombre de domestiques que j’y laissais pour la servir. Bema, que j’avais fait appeler pour la rendre témoin de cet ordre, me demanda la liberté de me parler à l’écart, et me surprit extrêmement par son discours. Elle me dit que la liberté et l’empire même que je laissais à sa maîtresse, lui faisaient assez connaître que j’ignorais le caractère des femmes de sa nation ; que l’expérience qu’elle avait acquise dans plusieurs sérails la mettait en état d’aider un étranger de ses conseils ; que la fidélité à laquelle elle était obligée par sa condition ne lui permettait pas de me déguiser ce que j’avais à craindre d’une maîtresse aussi jeune et aussi belle que Théophé ; qu’en un mot je devais faire peu de fond sur sa sagesse, si au lieu de lui laisser une autorité absolue dans ma maison, je ne l’assujettissais point à la conduite de quelque esclave fidèle ; que c’était l’usage de tout ce qu’il y avait de seigneurs en Turquie, et que si je la croyais propre elle-même à cet emploi, elle me promettrait tant de vigilance et de zèle que je ne me repentirais jamais de ma confiance.

Quoique je n’eusse point reconnu assez d’esprit à cette esclave pour en espérer des secours extraordinaires, et que dans l’opinion