Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/37

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que j’avais désiré, je fis une réflexion qui m’était échappée dans l’ardeur de réussir. Qu’allait devenir la jeune esclave ; quelles étaient ses vues en sortant du sérail ? Se proposait-elle de venir chez moi et de se faire un établissement dans ma maison ? Je la trouvais assez aimable pour mériter que je prisse soin de sa fortune ; mais outre les mesures de bienséance que je devais garder à mes domestiques, pouvais-je éviter que le Bacha n’apprit tôt ou tard où elle s’était retirée, et ne retombais-je pas malgré moi dans l’écueil dont j’avais cru me garantir ? Cette pensée me refroidit tellement pour mon entreprise, qu’ayant vu le lendemain le Sélictar, je lui marquais quelque regret de l’avoir employé dans une affaire dont je craignais que le Bacha ne ressentît trop de chagrin. Et, sans parler de lui remettre les mille écus, je le quittai pour rendre ma visite à Chériber.

Partagé tout à la fois entre le désir de rendre service à l’esclave, l’embarras que j’en appréhendais, et la crainte de chagriner mon ami, j’aurais souhaité de trouver quelque prétexte pour me dégager absolument de cette aventure, et je délibérai si le meilleur parti n’était pas de m’ouvrir assez au Bacha même, pour connaître du moins si le sacrifice dont je lui avais fait comme une nécessité ne lui coûtait pas trop de violence. Il me semblait qu’avec une excuse aussi juste que celle des égards de l’amitié, je pourrais