Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/38

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me dispenser sans grossièreté de satisfaire les caprices d’une femme.

Ma visite fut si agréable à Chériber, qu’ayant prévenu par les témoignages de sa joie l’ouverture à laquelle je m’étais préparé, il eut le temps de me raconter sans interruption qu’il avait une femme de moins dans son sérail, et que la jeune Grecque dont il m’avait procuré l’entretien était vendue au Sélictar. Il parut si peu contraint dans ce récit, que, jugeant de ses sentiments par ses expressions, je ne le crus point fort affligé de sa perte. Je remarquai encore mieux dans la suite qu’il n’avait aucune passion pour ses femmes. À l’âge où il était, les besoins du tempérament lui causaient peu d’inquiétude, et la dépense qu’il faisait dans son sérail était moins pour la satisfaction de son cœur que pour celle de sa vanité. Cette observation ayant levé tous mes scrupules, je perdis jusqu’à la pensée de les lui découvrir, et je crus devoir lui laisser celle où il était d’avoir acquis un droit essentiel sur la reconnaissance du Sélictar.

Cependant, m’ayant proposé d’aller passer quelques moments dans son sérail, il me parut embarrassé sur le compliment qu’il avait à faire à son esclave.

« Elle ignore, me dit-il, qu’elle va changer de maître. Après tous les témoignages qu’elle a reçus de mon affection, son orgueil sera blessé de me voir consentir si facilement à la mettre au pouvoir d’un autre.