Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/92

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jeune Grecque, et par quelle perfidie il avait abusé de son innocence pour la faire passer dans l’esclavage. Nous nous intéressâmes peu au sort de ce misérable, qui fut envoyé sur-le-champ au supplice qu’il avait mérité.

Le Sélictar ne fit pas difficulté, après cette explication, de reprendre mes sequins, qu’il fit porter chez moi le jour suivant. Mais à peine Chériber nous eut-il quittés, que revenant avec plus de chaleur que jamais à Théophé, il me demanda ce que je pensais d’une aventure si singulière ?

« Si elle n’est pas née pour l’esclavage, me dit-il, il faut qu’elle soit d’une condition fort supérieure aux apparences. »

Son raisonnement était fondé sur ce qu’à la réserve des états serviles où l’on forme les jeunes gens à quelque talent particulier pour en faire un trafic, la bonne éducation, en Turquie comme ailleurs, est la marque d’une naissance au-dessus du commun, à peu près comme l’on n’est point surpris en France de trouver de la bonne grâce et des airs de politesse dans un maître à danser, tandis qu’on prendrait les mêmes dehors dans un inconnu pour des témoignages qui annoncent un homme de condition. Je laissai le Sélictar dans ses conjectures. Je ne lui communiquai pas même ce qui pouvait les éclaircir. Mais je ne fus pas moins frappé de sa réflexion, et, me rappelant cette partie du récit qui regardait la mort de son père, je m’étonnai d’avoir fait si peu d’attention à