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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/27

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point à balancer entre l’intérêt d’une passion et celui du devoir. Le seul tempérament qui pouvait se concilier avec l’un et l’autre était de faire assez promptement le voyage de Constantinople pour être de retour avant que la nuit fût trop avancée. Mais en pesant l’emploi de tous les moments, ma plus grande diligence ne pouvait me rendre chez moi avant minuit ; et qui me répondait qu’on n’abuserait point de mon absence ?

J’en vins ainsi par degrés à me faire un reproche d’avoir rejeté les conseils de Bema ; et dans l’extrémité pressante où j’étais, je ne vis point d’autre ressource que d’y recourir du moins dans cette occasion. Je la fis appeler.

« Bema, lui dis-je, des affaires indispensables m’appellent à Constantinople. Je ne puis abandonner Théophé à elle-même, et je sens la nécessité d’avoir près d’elle une gouvernante aussi fidèle que vous. Prenez-en, sinon le titre, du moins l’autorité jusqu’à mon retour. Je vous confie le soin de sa santé et de sa conduite. »

Jamais on ne s’est livré si follement à la perfidie. Cependant, cette misérable m’a confessé, dans un moment où les circonstances la forçaient d’être sincère, que si je n’eusse point borné sa commission, et qu’au lieu de lui en faire envisager la fin à mon retour, je lui eusse donné l’espérance de conserver toute sa vie le même ascendant dans ma maison, elle aurait rompu tous ses