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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/41

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Pour lui, je n’eus pas le plaisir que j’avais espéré de le voir céder à la soif ou à la faim. Dès la même nuit, comprenant par le long délai de sa confidente qu’elle était retenue malgré elle, et qu’il allait se trouver dans un cruel embarras sans son secours, il prit le parti de ne pas attendre le jour pour sortir de sa retraite, et, connaissant ma maison, il se flatta de s’échapper facilement à la faveur des ténèbres. Il tomba dans les bras de mon valet de chambre, qui occupait déjà son poste. J’exposais ce fidèle garçon à périr peut-être d’un coup de poignard ; mais s’en étant défié lui-même, il eut soin de prendre un ton assez doux pour faire entendre tout d’un coup au Sélictar qu’il n’avait à craindre aucune violence, et que je ne lui préparais que des caresses et des services. Il se laissa conduire avec quelques marques de défiance. J’étais au lit. Je me levai avec empressement, et, feignant beaucoup de surprise :

« Quoi ! c’est le Sélictar ? m’écriai-je. Eh ! par quel hasard… »

Il m’interrompit d’un air confus.

« Épargnez-moi, me dit-il, des railleries que je mérite. Vos reproches mêmes seront justes si vous ne les faites tomber que sur la visite nocturne que j’ai voulu rendre à Théophé ; mais dans l’usage que j’ai fait de mon poignard, je n’ai pensé qu’à vous servir, quoique le soin avec lequel vos gens ont arraché de mes mains le jeune homme que j’ai blessé, me fasse juger que mon zèle s’est