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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/48

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se suivre ! Je viens de faire une découverte dont vous me voyez pénétrée et qui m’a fait naître des idées que je veux vous communiquer. Mais il faut que je vous attendrisse auparavant par mon récit.

« Un intérêt sensible, continua-t-elle, que je n’ai pu m’empêcher de prendre au sort de tant de malheureuses, et que vous trouverez pardonnable après mes propres infortunes, m’a fait interroger quelques esclaves du Sélictar sur les aventures qui les ont conduites au sérail. La plupart sont des filles de Circassie ou des pays voisins qui ont été élevées pour leur condition, et qui ne sentent point d’humiliation de leur sort. Mais celle que je quitte à ce moment est une étrangère, dont la douceur et la modestie m’ont encore plus frappée que l’éclat de la figure. Je l’ai prise à l’écart. J’ai loué sa beauté et sa jeunesse. Elle a reçu tristement mes flatteries, et rien ne m’a paru si surprenant que sa réponse : « Hélas ! m’a-t-elle dit, loin de relever ces misérables avantages, si vous êtes capable de quelque pitié, regardez-les comme un funeste présent du ciel, qui me fait détester à tous moments la vie ! » Je lui ai promis plus que de la pitié, et, lui apprenant que je pouvais devenir utile à sa consolation, je l’ai pressée de m’expliquer la cause d’un si étrange désespoir. Elle m’a raconté, après avoir répandu quelques larmes, qu’elle est née en Sicile, d’un père dont la superstition lui a coûté la liberté et l’honneur. Il était