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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/50

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ce qui pouvait lui faire tourner ses réflexions sur elle-même, il ne lui était jamais venu le moindre soupçon de sa figure.

« Elle vivait dans cette simplicité, lorsque ses gouvernantes, ayant fait introduire un de ces marchands qui parcourent les campagnes avec leur charge de bijoux, le seul hasard lui avait fait prendre une petite boîte qui servait à renfermer un miroir. Son innocence avait été jusqu’à s’imaginer que sa figure, qu’elle y avait vue représentée, était un portrait attaché à la boîte, et n’ayant pu le considérer sans quelque plaisir, elle avait donné le temps aux deux vieilles de s’en apercevoir. Le cri qu’elles avaient jeté, et les reproches qu’elles s’étaient empressées de lui faire, auraient suffi pour effacer cette idée, si le marchand, qui avait compris la cause de leurs plaintes, n’eût pris un moment pour s’approcher de la jeune Sicilienne, et ne lui eût donné secrètement un de ses miroirs, en lui apprenant le tort qu’on lui faisait de l’en priver. Elle l’avait reçu par un mouvement de timidité, plutôt que par le désir d’en faire un usage qu’elle ignorait encore ; mais à peine s’était-elle trouvée seule, qu’elle n’avait eu besoin que d’un moment pour l’apprendre. Quand elle n’aurait pas été capable de sentir par elle-même ce que la nature lui avait accordé, la comparaison des deux vieilles qu’elle avait sans cesse devant les yeux aurait suffi pour lui faire apercevoir combien la différence était à son