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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/53

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rantis de l’esclavage, s’ils eussent pu le prouver. Mais s’étant embarqués sur un vaisseau vénitien, dans le dessein de descendre en Dalmatie, d’où ils se flattaient de pénétrer facilement plus loin, ils eurent le malheur d’être pris à l’entrée du golfe par quelques vaisseaux turcs qui cherchaient à chagriner l’État de Venise.

« L’explication de leur projet passa pour un artifice. Ils furent vendus séparément dans un port de la Morée, d’où la malheureuse Sicilienne fut conduite à Constantinople.

« Si c’était le comble de l’infortune que de se voir enlever son amant, quel nom devait-elle donner à la situation où elle passa bientôt ? Ses larmes continuelles l’ayant un peu défigurée, les marchands de Constantinople ne distinguèrent pas tout d’un coup ce qu’ils avaient à espérer de sa beauté. Une vieille femme, dont le discernement était plus sûr, employa une partie de son bien pour l’acheter, et se promit de le doubler en la revendant. Mais c’était ce qui pouvait arriver de plus funeste à la Sicilienne. Dans les principes de modestie et de pudeur où elle avait été élevée, les soins que cette odieuse maîtresse prit d’elle pour augmenter ses charmes et pour la rendre propre au goût des Turcs, furent pour elle autant de supplices qui lui auraient fait trouver la mort moins cruelle. Enfin, elle avait été vendue pour une grosse somme au Sélictar, qui lui