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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/57

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à son amante, qu’elle m’en remercia pour eux avec une ardeur extraordinaire. Comme je rapportais tout à mes vues, je ne doutai point que cette tendre part qu’elle prenait au bonheur des deux amants ne fût encore une marque que son cœur était devenu sensible, et j’en tirai pour moi des augures que je crus mieux fondés que ceux du Sélictar.

La Sicilienne se nommait Maria Rezati, et le nom qu’elle avait pris ou qu’on lui avait donné dans l’esclavage, était Molène. Je ne jugeai point à propos qu’elle fût informée de ce que j’avais fait pour elle avant le jour de notre départ. Je conseillai seulement à Théophé de lui annoncer en général un bonheur qu’elle n’espérait pas.

Les nouvelles que le Sélictar reçut de Constantinople ayant achevé de le rassurer, je me trouvai rappelé à la ville par mes propres affaires, et je proposai à Théophé de retourner à Oru. Mais, outre le chagrin que j’eus de ne pouvoir ôter au Sélictar l’envie de nous accompagner à notre retour, j’eus à soutenir une scène embarrassante en quittant avec lui sa maison.

Le chevalier sicilien, qui était esclave en effet dans le voisinage, avait assez de liberté pour dérober pendant le jour aux exercices de sa condition quelques heures qu’il employait à observer les murs du Sélictar. Le péril auquel il avait été exposé par la trahison d’un autre esclave l’avait si peu refroidi, qu’il avait tenté mille fois de se faire d’au-