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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/66

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Après la connaissance que le jeune Sicilien m’avait donnée de ses sentiments, je ne balançai point à le renvoyer près de sa maîtresse. Il ne se proposait que de lui faire ses adieux, et dans l’ardeur qu’il avait d’entreprendre un voyage dont il se promettait tout son bonheur, j’obtins à peine qu’il prît quelques jours de repos à Oru. Cependant, je l’y retrouvai deux jours après, et mon étonnement fut extrême, au premier moment de mon arrivée, d’apprendre qu’il avait changé de résolution. Je n’approfondis pas tout d’un coup ce mystère, et je lui demandai seulement quelles vues il substituait à celles qu’il avait abandonnées. Il me dit qu’après beaucoup de nouvelles réflexions sur la difficulté de réussir dans son premier dessein, et sur les risques qu’il allait courir d’être chagriné ou par son Ordre, ou par les Rezati, il était revenu à l’ancienne pensée qu’il avait eue de s’établir en Turquie, qu’il avait quelques ouvertures agréables du côté de la Morée, et qu’il n’en épouserait pas moins sa maîtresse, parce que renonçant à la qualité de chevalier de Malte, il ne se croyait pas obligé de remplir les devoirs d’un état dont il abandonnait tous les avantages ; enfin, que n’ayant point touché une somme considérable qu’il avait prise en lettres de change pour Raguse, et qu’il avait laissée en nature chez un banquier de Messine, il comptait de se trouver assez riche pour me remettre la somme que j’avais payée au