Aller au contenu

Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’entrai dans l’appartement de Théophé, avec la résolution de n’en pas sortir, sans avoir fait un traité solide avec elle. J’y trouvai Maria Rezati. Affreuse contrainte ! Elles s’étaient liées par une vive affection, et la Sicilienne n’ayant pu s’imaginer qu’elle eût un autre attachement pour moi que celui de l’amour, avait déjà hasardé quelques sollicitations sur le bonheur d’un commerce aussi tranquille qu’elle se figurait le nôtre. Ce langage avait déplu à Théophé. À peine eut-elle reçu mes premières politesses, que, s’adressant à sa compagne :

« Dans l’erreur où vous êtes, lui dit-elle, vous serez étonnée d’apprendre de Monsieur que je ne dois rien à son amour, et que m’ayant comblée de bienfaits, je n’en ai l’obligation qu’à sa générosité. »

Elles paraissaient attendre toutes deux ma réponse. Je pénétrai mal le sujet de leur entretien, et ne suivant que la vérité de mes sentiments, je répondis qu’en effet, la beauté ne m’ayant jamais inspiré d’amour, je n’avais consulté que les mouvements de mon admiration dans les premiers services que je lui avais rendus.

« Mais il faut si peu de temps pour vous connaître, repris-je, en lui jetant un regard passionné, et quand on a découvert ce que vous valez, il est si nécessaire de vous dévouer toute sa tendresse… »

Théophé, qui vit où ce discours m’allait conduire, l’interrompit adroitement.