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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/70

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« Je me flatte à la vérité, me dit-elle, que vos propres faveurs ont pu vous faire prendre pour moi quelque amitié, et c’est un bien que je trouve si précieux, qu’il me tiendra lieu éternellement de fortune et de plaisir. »

Elle changea aussitôt d’entretien.

Je demeurai dans une incertitude qui mit un changement beaucoup plus étrange dans mon humeur. Mais ne pouvant supporter longtemps la violence de cette situation, je pris un parti qui paraîtra puéril à tout autre qu’un amant.

J’entrai seul dans le cabinet de Théophé, et ne sentant que trop combien mes espérances étaient reculées, je me servis d’une plume pour ne pas remettre plus loin ce que je prévoyais que ma langue n’aurait pas la force d’exprimer dans des circonstances qui venaient de me remplir de crainte et d’amertume. J’écrivis en peu de lignes tout ce qu’un cœur pénétré d’estime et d’amour peut employer de plus vif et de plus touchant pour persuader sa tendresse ; et quoiqu’il n’y eût rien d’obscur dans mes termes, je répétais en finissant, pour comble de clarté, que je ne parlais pas d’amitié, qui était un sentiment trop froid pour les transports de mon cœur, et que je me dévouais pour toute ma vie à l’amour. J’ajoutai néanmoins qu’ayant su le régler jusqu’alors avec une modération dont on me devait le témoignage, je voulais qu’il dépendît encore de la volonté de ce que j’aimais, et que n’aspirant qu’au retour du sien,