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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/72

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fait d’elle-même, et j’en fis un qui la représentait au contraire avec toutes les perfections dont la nature l’avait ornée.

« Voilà ce que j’aime, ajoutai-je, et les traits en sont si bien gravés dans mon cœur, qu’il n’est pas capable de s’y méprendre. »

Je me levai, je passai près d’elle, et je lui proposai de retourner encore dans le cabinet. Elle sourit, et elle me pria de lui donner le temps pour examiner ce que j’y avais laissé.

Cette réponse me consola. Je me retirai néanmoins pour aller dissiper le reste de mon trouble. Il me paraissait si étonnant à moi-même que j’eusse besoin de tant de précautions pour expliquer mes sentiments à une fille que j’avais tirée des bras d’un Turc, et qui dans les premiers jours de sa liberté se serait peut-être crue trop heureuse de passer tout d’un coup dans les miens, qu’au milieu même de la tendresse dont je prenais plaisir à m’enivrer, je me reprochais une timidité qui ne convenait ni à mon âge, ni à mon expérience. Mais outre quelques remords secrets dont je ne pouvais me défendre en me souvenant des maximes de sagesse que j’avais expliquées mille fois à Théophé, et la crainte de me rendre méprisable à ses propres yeux par une passion dont le but ne pouvait être, après tout, que la ruine des sentiments de vertu que j’avais contribué à lui inspirer, il faudrait que je pusse donner une juste idée de sa personne pour faire concevoir qu’une figure qui n’était