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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/74

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Le lendemain, à mon lever, un des esclaves qui la servaient m’apporta une lettre cachetée soigneusement. Quel fut mon empressement à la lire ! Mais dans quel abattement tombai-je aussitôt en y trouvant une condamnation absolue, qui semblait m’ôter jusqu’aux moindres fondements d’espérance. Cette lettre terrible, que Théophé avait passé toute la nuit à composer, aurait mérité d’être rapportée ici tout entière, si des raisons qui viendront à la suite et que je ne rappellerai pas sans douleur et sans honte, ne me l’avaient fait déchirer dans un affreux dépit. Mais les premiers sentiments qu’elle me causa ne furent que de la tristesse et de la consternation. Théophé m’y retraçait toutes les circonstances de son histoire, c’est-à-dire ses malheurs, ses fautes et mes bienfaits. Et raisonnant sur cette exposition avec plus de force et de justesse que je n’en avais vu dans nos meilleurs livres, elle concluait qu’il ne convenait, ni à elle qui avait à réparer autant de désordres que d’infortunes, de s’engager dans une passion qui n’était propre qu’à les renouveler ; ni à moi, qui avais été son maître dans la vertu, d’abuser du juste empire que j’avais sur elle, et du penchant même qu’elle se sentait à m’aimer, pour détruire des sentiments qu’elle devait à mes conseils autant qu’à ses efforts. Si jamais néanmoins elle devenait capable d’oublier des devoirs dont elle commençait à connaître l’étendue, elle protestait que