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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/75

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j’étais le seul qui pût la faire tomber dans cette faiblesse. Mais au nom de cet aveu même, qu’elle donnait à l’inclination de son cœur, elle me conjurait de ne pas renouveler des déclarations et des soins dont elle sentait le danger ; ou si sa présence était aussi contraire à mon repos qu’elle croyait s’en être aperçu, elle me demandait la liberté de suivre son ancien projet, qui avait été de se retirer dans quelque lieu tranquille des pays chrétiens, pour n’avoir pas à se reprocher de nuire au bonheur d’un maître et d’un père à qui le moindre sacrifice qu’elle devait était celui de sa propre satisfaction.

J’abrège les idées mêmes qui me sont restées de cette lettre, parce que je désespérerais de leur rendre toute la grâce et la force qu’elles avaient dans leur expression naturelle. À l’âge où je suis en écrivant ces mémoires, je dois l’avouer avec confusion, ce ne fut pas du côté favorable à la vertu que je pris d’abord tant de réflexions sensées. N’y voyant au contraire que la ruine de tous mes désirs, je m’abandonnai au regret d’avoir prêté contre moi de si fortes armes à une fille de dix-sept ans. « Était-ce à moi, me disais-je amèrement, à faire le prédicateur et le catéchiste ? Quel ridicule pour un homme de mon état et de mon âge ? Il fallait donc être sûr de trouver dans mes maximes le remède dont j’ai besoin pour moi-même. Il fallait être persuadé de tout ce que j’ai prêché, pour en faire ma