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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/76

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propre règle. N’est-il pas misérable que, livré comme je le suis aux plaisirs des sens, j’aie entrepris de rendre une fille chaste et vertueuse ? Ah ! j’en suis bien puni ! »

Et portant encore plus loin le dérèglement de mes idées, je me rappelais toute ma conduite, pour me justifier en quelque sorte de la folie dont je m’accusais. « Mais est-ce ma faute, ajoutai-je ? Que lui ai-je donc appris de si propre à lui inspirer cette rigoureuse vertu ? Je lui ai représenté l’infamie de l’amour tel qu’on l’exerce en Turquie ; cette facilité des femmes à se livrer aux désirs des hommes, cette grossièreté dans l’usage des plaisirs, cette ignorance de tout ce qu’on appelle goût et sentiment, mais ai-je jamais pensé à lui donner de l’éloignement pour un amour honnête, pour un commerce réglé, qui est le plus doux de tous les biens, et le plus grand avantage qu’une femme puisse tirer de sa beauté ? C’est elle qui se trompe et qui m’a mal entendu. Je veux l’en avertir ; mon honneur m’y oblige ! Il serait trop ridicule pour un homme du monde, d’avoir engagé une fille de ce mérite dans des maximes qui ne conviennent qu’au cloître ! »

Loin de revenir aisément de ces premières idées, il me tomba dans l’esprit que ma principale faute était d’avoir mis entre les mains de Théophé quelques ouvrages de morale, dont les principes, comme il arrive dans la plupart des livres, étaient portés à