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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/77

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la rigueur, et pouvaient avoir été pris trop à la lettre par une fille qui les avait médités pour la première fois. Depuis qu’elle commençait à savoir assez notre langue pour lire nos auteurs, je lui avais donné les Essais de Nicole, par la seule raison que, la voyant portée naturellement à penser et à réfléchir, j’avais voulu lui faire connaître un homme qui raisonne continuellement. Elle en faisait sa lecture assidue. La logique de Port-Royal était un autre livre que j’avais cru propre à lui former le jugement. Elle l’avait lu avec la même application et le même goût. Je m’imaginai que des ouvrages de cette nature avaient pu causer plus de mal que de bien dans une imagination vive, et qu’en un mot ils n’avaient fait que lui gâter l’esprit. Cette pensée rendit un peu de calme au mien, par la facilité que j’avais de lui procurer d’autres livres dont j’espérais bientôt un effet tout opposé. Ma bibliothèque était fournie dans toutes sortes de genres. Ce n’étaient pas des livres dissolus que je lui destinais, mais nos bons romans, nos poésies, nos ouvrages de théâtre, quelques livres mêmes de morale, dont les auteurs ont été de bonne composition avec les désirs du cœur et les usages du monde, me parurent capables de ramener Théophé à des principes moins farouches ; et je tirai tant de consolation de mon dessein, que j’eus la force de composer mon visage et mes sentiments en reparaissant à sa vue.