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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/87

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sa rougeur une jalousie qu’il n’avait point encore sentie. Il s’agita impatiemment pendant le reste de notre entretien. Et lorsque le temps vint de se retirer, il ne considéra point que la faiblesse de ma santé m’obligeait de garder mon appartement ; il me pria de l’accompagner au jardin. Je ne me fis pas presser. Après avoir gardé le silence pendant quelques pas :

« J’ouvre les yeux, me dit-il d’un ton emporté, et je rougis de les avoir fermés si longtemps ! Il est facile à un Français, ajouta-t-il ironiquement, de faire une dupe d’un Turc ! »

J’avoue que ne m’étant attendu à rien moins qu’à cette brusque invective, et n’ayant pensé, dans la complaisance avec laquelle je m’étais loué des soins de Théophé, qu’à faire valoir la bonté naturelle de son caractère, je cherchai pendant quelques moments des expressions pour me défendre. Cependant, soit qu’un peu de modération naturelle me rendît capable de ne me pas laisser aveugler par mon ressentiment, soit que l’abattement de ma maladie fût favorable à ma raison, je fis au fier Sélictar une réponse moins offensante que ferme et modeste.

« Les Français — car je fais marcher, lui dis-je, l’intérêt de ma nation avant le mien — connaissent peu l’artifice, et cherchent de meilleures voies pour faire réussir ce qui les flatte. Pour moi, qui n’ai jamais pensé à