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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/89

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que j’avais reçu Théophé de ses mains, il n’aurait pas manqué de jeter le poison de son cœur sur les moindres observations qui lui auraient paru suspectes. Mais n’ayant à me reprocher que l’innocent témoignage que j’avais reçu du zèle de cette aimable fille, il conçut enfin que je ne m’en serais pas vanté avec tant d’imprudence si je m’en étais cru redevable à l’amour.

Cette pensée ne lui rendit pas le repos et la joie ; mais, calmant du moins ses noirs transports, elle le disposa à me quitter sans haine et sans colère.

« Vous n’aurez pas oublié, me dit-il en partant, que je vous ai offert le sacrifice de ma passion quand j’ai cru que l’amitié m’en faisait un devoir. Nous verrons si j’ai bien compris vos principes, et quelle est cette différence que vous m’avez vantée entre vos mœurs et les nôtres ! »

Il ne me laissa pas le temps de lui répondre.

Cette aventure me fit examiner de nouveau quels reproches j’avais à me faire du côté de l’amour ou de l’amitié. Le seul cas où j’aurais cru mériter ceux du Sélictar aurait été celui d’un amour heureux, qui lui aurait fait craindre que ma concurrence n’eût diminué quelque chose de la tendresse qu’il aurait obtenue. Mais depuis que j’aimais Théophé, il ne m’était pas même entré dans l’esprit de me faire valoir aux dépens de mon rival. J’étais assuré par elle-même qu’elle était sans