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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/90

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goût pour lui, et l’obstacle qu’il m’accusait de ne pas respecter était précisément le seul que je n’avais pas à combattre. D’ailleurs, j’avais moi-même tant de plaintes à faire de mon sort, que m’en trouvant peut-être moins sensible à celui d’autrui, je pris le parti de rire de son chagrin pour soulager le mien.

Je retournai vers Théophé dans cette disposition, et je lui demandai en badinant ce qu’elle pensait du Sélictar, qui m’accusait d’être aimé d’elle, et qui me faisait un crime d’un bonheur dont j’étais si éloigné. Maria Rezati, dont l’attachement croissait tous les jours pour son amie, avait acquis trop de lumières par ses aventures, pour n’avoir pas reconnu tout d’un coup de quels sentiments j’étais rempli.

Ne la quittant pas un moment, elle eut l’adresse de l’engager dans des ouvertures qui lui donnèrent bientôt beaucoup d’influence sur toutes ses réflexions. Elle lui représenta qu’elle ne connaissait point assez les biens qu’elle négligeait, et qu’une femme de son mérite pouvait tirer des avantages extrêmes d’une passion aussi vive que la mienne. Enfin, s’efforçant d’élever ses espérances, elle lui fit considérer que je n’étais point marié ; que rien n’était si ordinaire dans les pays chrétiens que de voir une femme élevée à la fortune par un heureux mariage ; que la prévention favorable qui me faisait regarder ses premières aventures comme les fautes et les injustices de la for-