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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/91

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tune, je ne m’arrêterais vraisemblablement qu’à la conduite qu’elle avait tenue depuis sa liberté, et qu’à la distance où j’étais de ma patrie, je ne prendrais conseil que de mon propre cœur. Elle lui répéta mille fois le même discours, avec une espèce d’impatience de le voir reçu trop froidement ; et n’ayant pu tirer d’elle que des réponses modestes, qui marquaient une âme revenue de l’ambition, elle lui protesta qu’indépendamment d’elle et par le seul zèle de l’amitié, elle allait s’adresser à moi, pour me disposer insensiblement à faire la fortune et le bonheur de son amie. En vain Théophé s’y opposa-t-elle par les plus fortes raisons ; sa résistance fut traitée de crainte et de faiblesse.

Il n’y eut rien d’égal à son embarras. Outre sa manière de penser, qui l’éloignait extrêmement de toutes les vues de fortune et d’élévation, elle tremblait de l’opinion que j’allais prendre de sa vanité et de sa hardiesse. Après avoir renouvelé inutilement ses efforts pour faire changer de résolution à son amie, elle prit elle-même celle de me prévenir sur une négociation dont le moindre risque lui paraissait être la perte de mon estime et de mon affection.

Mais après avoir combattu longtemps sa timidité elle s’en laissa vaincre, et le seul expédient qui lui resta fut d’employer un caloger, chef d’une église grecque, qui était à deux milles d’Oru, avec lequel elle avait formé quelque liaison.