Page:Prévost - Manon Lescaut, Charpentier, 1846.djvu/115

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c’est une chose finie, n’est-ce pas ? ne pensons donc plus qu’à profiter de vos soins et à remplir votre promesse. »

Lescaut, à qui ma colère suivie d’un fort long silence avait causé de l’embarras, fut ravi de me voir prendre un parti tout différent de celui qu’il avait appréhendé sans doute : il n’était rien moins que brave, et j’en eus de meilleures preuves dans la suite. « Oui, oui, se hâta-t-il de me répondre, c’est un fort bon service que je vous ai rendu, et vous verrez que nous en tirerons plus d’avantage que vous ne vous y attendez. » Nous concertâmes de quelle manière nous pourrions prévenir les défiances que M. de G*** M*** pouvait concevoir de notre fraternité en me voyant plus grand et un peu plus âgé peut-être qu’il ne se l’imaginait. Nous ne trouvâmes point d’autre moyen que de prendre devant lui un air simple et provincial, et de lui faire croire que j’étais dans le dessein d’entrer dans l’état ecclésiastique, et que j’allais pour cela tous les jours au collège. Nous résolûmes aussi que je me mettrais fort mal la première fois que je serais admis à l’honneur de le saluer.

Il revint à la ville trois ou quatre jours après. Il conduisit lui-même Manon dans la maison que son intendant avait eu soin de préparer. Elle fit avertir aussitôt Lescaut de son retour, et celui-ci m’en ayant donné avis, nous nous rendîmes tous deux chez elle. Le vieil amant en était déjà sorti.

Malgré la résignation avec laquelle je m’étais soumis à ses volontés, je ne pus réprimer le murmure de mon cœur en la revoyant. Je lui parus