Page:Pradez - La Revanche du Passé, 1900.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rant l’enclos avait pris pour elle une physionomie propre, absolument différente des autres. Elle leur avait inventé à toutes une histoire, à celles du premier avec leurs rideaux de tulle grossier, et à celles de tout en haut, où séchaient au soleil, sur des bouts de ficelle tendue, des nippes multicolores.

Sur quelque indice aperçu du dehors, son imagination bâtissait des intérieurs, et elle les peuplait, selon sa fantaisie, des êtres qu’elle voyait entrer et sortir ; elle se plaisait aussi à surprendre tous les jours le retour des enfants, l’école finie, et à entendre leur tapage et leurs rires.

Un automne précoce avait déjà effeuillé les arbres rabougris, aux branches noueuses et tordues, et, sous le ciel plombé, l’enclos avait, ce jour-là, l’aspect terne des jours d’hiver.

L’œil rêveur, la grande jeune fille anguleuse, amaigrie par une croissance rapide et tardive, contemplait cette scène rétrécie de la vie où son enfance s’était écoulée tout entière.