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Page:Pradez - La Revanche du Passé, 1900.djvu/23

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avec le reste de l’ameublement, fané mais solide, qui introduisait dans son intérieur une apparence d’aisance, un confort oublié.

La vision de la pâleur anémique d’Élisabeth à côté de sa propre fraîcheur de rousse dorée venait de réveiller d’une façon intense un souvenir détesté. Avant de rencontrer de nouveau le grand œil attentif de sa fille, elle cherchait à étouffer au fond de son cœur cette brusque réminiscence. Il ne fallait pas que l’enfant devinât rien de cette passagère émotion où elle trouverait peut-être un inutile sujet de préoccupation, de rêverie.

Les traits héréditaires d’Élisabeth, qu’à côté de sa propre figure régulière elle venait de saisir si nettement dans cette grande glace, legs de ses parents, en lui rappelant le fait brutal qui avait broyé sa jeunesse, n’éveillaient pas de vaines et molles souvenances, oh ! non ; le passé avec sa faute, sa tache ineffaçable, était bien mort ; il restait enterré dans des profondeurs obscures où jamais, jamais sa pensée ne descendait ; ce