Page:Pradez - La Revanche du Passé, 1900.djvu/255

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broyait de tous côtés à la fois. Elle balbutia désolée :

— André ! André !

Et elle se mit à sangloter tout haut, avec la sensation aiguë d’avoir aimé un mort ou un être irréel, qui lui échappait, qu’elle ne pourrait plus jamais saisir. Ce qui avait éveillé en elle la tendresse qui dort au cœur de toutes les femmes était donc l’œuvre de son imagination ? Inspirée par son incurable ressentiment et par le désir de quitter le foyer de sa mère, elle avait vêtu un squelette d’oripeaux trompeurs pour l’adorer comme un fétiche. Elle pleura très longtemps, secouée par des soubresauts d’indignation. Elle se révoltait contre sa faiblesse, contre son aveuglement volontaire, qui l’avait pendant deux longues années asservie à un homme faible, banal, rusé, flottant sur les éventualités de l’existence comme un bois mort. Qu’avait-elle été entre ses mains ? Un instrument passif, jeté ou repris selon les besoins de l’heure. Elle était devenue ainsi stupidement complice de la ruine de sa mère.