Page:Pradez - La Revanche du Passé, 1900.djvu/280

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détachée, sans y chercher aucune satisfaction directe, sans plus rien désirer au delà ? Était-il possible qu’elle fût arrivée à travers sa longue épreuve à une vie machinale, toute artificielle ? Ou bien aurait-il fallu, pour franchir le fossé profond, lentement creusé par la suite des jours, autre chose que les mots qu’elle disait ; oui, l’effet magique d’autres paroles qu’elle ne parvenait pas à arracher à son cœur muet ?

Il y eut un instant d’oppressant silence. Mme Georges reprit enfin d’une voix basse, très calme :

— Tu ne peux pas même me tromper, tu vois bien. Pourquoi essaies-tu ? Pourquoi ?

Et le souvenir abhorré remua dans leur mémoire à toutes deux son venin rongeant.

— Je ne voulais pas te tromper, balbutia Élisabeth, je voulais faire cesser l’équivoque de ma situation vis-à-vis de toi. Nous vivons côte à côté sans nous comprendre. J’ai gâté toute ta vie, et tu ne me l’as jamais reproché. Je t’ai dépouillée, je le sais depuis long-