Page:Pradez - La Revanche du Passé, 1900.djvu/47

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— Rien du tout, murmura-t-elle, d’une voix basse, un peu contrainte, je n’ai rien.

Et la large bouche arquée, fendue d’une ligne nette, ferme, expressive, essaya dé sourire, mais la jeune fille ne regardait plus sa mère.

Une demi-heure plus tard, en retraversant à pas hâtifs les quelques rues séparant sa demeure du nouvel appartement des dames Georges, Mme Musseau emportait, au fond de sa déception, un soupçon affermi qui berçait sa rancune. La défiance d’Élisabeth vis-à-vis de sa mère s’était trahie dans une expression fugitive, il est vrai, mais si parlante, si limpide que Mme Georges elle-même avait laissé échapper un cri d’effroi. Jamais l’institutrice ne s’était sentie si sûre de sa clairvoyance. Elle marchait très vite le long des trottoirs encombrés, interrogeant ses souvenirs, songeant à l’attitude toujours étrange d’Élisabeth, à la solitude où vivait cette enfant maussade et taciturne ; elle pensait aussi à la vie de labeur incessant menée jour après jour par