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thérèse

brusquement il se rassit. Eh bien, non ! il ne pouvait pas parler de l’argent ; ce n’était pas pour l’argent qu’il était venu là, lui ; il était venu pour tenir un moment cet homme tout vivant sous son talon ; il était content. Il écoutait avec une joie intense la rumeur d’indignation qui bruissait à présent dans la salle, rumeur où l’amère rancune qui gonflait son cœur depuis si longtemps trouvait un écho.

Enfin la voix vibrante du magistrat coupa le bruit, s’éleva, nette et froide, au-dessus du tapage :

— La communauté de biens existant entre les deux époux, la loi veut que…

Pierre resta impassible. Aucun tressaillement ne crispa son visage apaisé. Ne savait-il pas depuis le commencement que l’argent devait rester à cet homme ? Mais il le lui avait jeté à la figure, sali, tout mêlé de boue. C’était là tout ce qu’il pouvait faire pour venger la mémoire de Thérèse et soulager son propre cœur à lui.


IV


Ce soir-là, quand Pierre entra dans la chambre où il avait si bien et si longtemps aimé Thérèse, une impression de froid le pénétra aussitôt jusqu’au cœur.