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fluence à laquelle il attribuait la froideur de sa fille, mais une fois en face de son ami, il ravalait brusquement son chagrin. Il y avait eu, pendant les six dernières années, une altération dans ses rapports avec Jacques, un imperceptible changement, qu’il ne parvenait pas à définir et qui gênait la libre expression de ses rancunes touchant sa femme. Il ne prononçait plus jamais le nom de Germaine quand Jacques était présent. Mais, depuis qu’Isabelle avait cessé d’être une enfant taciturne, presque morose, qu’elle était devenue une grande jeune fille tranquille et sérieuse, quelquefois le père, lorsqu’il se trouvait seul avec son ami, lui disait à brûle-pourpoint :

— Elle t’aime, toi. Elle écoute ce que tu lui dis, elle fait tout ce que tu veux… N’aie pas peur… je ne suis pas jaloux de l’amitié qu’elle a pour toi, au contraire. Mais, avec l’influence que tu as prise sur elle, est-ce que tu ne peux donc rien faire pour me la rendre ? Tu pourrais si tu voulais. Et il regardait son ami fixement, comme pour mieux faire pénétrer dans ce cerveau étranger l’idée qui avait germé dans le sien au milieu de l’angoisse et du chagrin et que ses lèvres hésitaient à formuler tout entière.