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torsade fauve roulée derrière la tête, elle réfléchit quelques secondes comme si elle choisissait, au milieu du pêle-mêle de ses souvenirs, le plus approprié à figurer le premier, puis elle commença son récit d’une voix rapide :

« Pour vous faire bien comprendre tout ce que j’ai éprouvé, il faut que je remonte jusqu’au jour où papa me ramena à la maison, à mon retour de la pension. Notre rencontre à la gare avait été tendre et joyeuse et, durant le trajet en voiture, il me laissa babiller tout à mon aise sans m’interrompre. Il souriait à mes cris de joie, à mes exclamations bruyantes, et répondait à toutes mes questions sans s’impatienter. Une seule fois, il prit un air plus sérieux pour me prévenir que je trouverais chez nous un petit garçon étranger. Après m’avoir fait cette communication, il ajouta d’un ton presque sévère :

— Tu n’as pas à t’occuper de lui. Il a son travail. Il ne faut pas l’en distraire.

Dans ce moment-là ma joie de rentrer à la maison après deux ans d’exil était si grande que cette recommandation frappa mon oreille sans exciter autrement mon attention. Mon bonheur augmentait à mesure que je reconnaissais les lieux familiers, les routes