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son gré, papa plaisantait mon humeur taciturne et faisait des efforts pour m’égayer. Cela me faisait déjà mal, confusément. Oh ! comme je l’aimais pourtant ! Mais, tandis qu’il me racontait des histoires drôles pour me faire rire, tout le temps je voyais Lucien errer seul dans le jardin. Il allait de-ci de-là, se penchant à chaque instant sur la terre pour la regarder de tout près, comme s’il découvrait partout des choses extraordinaires sur le sol. Il cueillait aussi des petites fleurs communes, qu’il regardait longtemps l’une après l’autre, et il en faisait un bouquet qu’en rentrant il prenait avec lui.

Dès qu’il avait quitté le jardin, je courais à la place même où je venais de le voir absorbé dans cette longue et mystérieuse contemplation, mais je ne trouvais rien que du sable, de la terre, des petites fleurs insignifiantes et des fourmis noires s’entre-croisant comme toujours sur la poussière des allées.

Et constamment, de plus en plus constamment, la pensée de ce petit garçon qui menait à côté de moi une vie solitaire, pleine d’inconnu, me hantait comme un rêve obsédant.

De temps en temps, il m’arrivait de le