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étrangère dans la maison. Elle ne me gênait pas autrement. Seulement quelquefois, quand papa m’emmenait promener en voiture, je saisissais au vol, sur sa figure, une expression étrange, dure, presque méchante. Cela me glaçait jusqu’aux moelles et cette vision rapide s’incrustait dans ma mémoire à côté des autres énigmes au milieu desquelles je me débattais. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai découvert la cause de sa souffrance, et alors, elle a cessé de m’être énigmatique ; je me suis peu à peu rapprochée d’elle. Mais papa n’aimait pas nos relations. Cela aussi l’irritait. Tout les jours, je sentais grandir son mécontentement. Pourtant, malgré ce blâme tacite, je n’ai pas pu me résoudre à abandonner maman ; par pitié d’abord, et ensuite parce qu’elle était la seule personne avec qui je pouvais librement m’entretenir du passé. Cela ne l’intéressait pas au même degré que moi, mais elle m’écoutait et me répondait. Si je ne l’avais pas eue à côté de moi pour laisser échapper quelque chose de ce trop plein oppressant, il m’aurait étouffée. »

Elle s’interrompit, rêva quelques secondes et reprit :

— Il ne faut pas oublier ce qu’elle a souf-