Page:Pradez - Réparation, 1905.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 162 —

C’était vrai. Il ne me l’avait jamais dit ; il ne m’avait même jamais permis de le supposer devant lui, et pourtant combien j’en étais sûre !

Je repris, résolue, audacieuse :

— Il ne me l’a jamais dit, mais je le sais quand même. Et je sais aussi pourquoi il est parti… Il est parti parce que… parce que…

— Parce que quoi ? Allons parle !

— Parce que vous, papa… vous ne l’aimiez pas !

Il prit une figure de marbre et resta longtemps silencieux. Enfin il murmura :

— Ce n’est pas toi qui as inventé cela. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai compris à qui il pensait à ce moment-là. Alors, je crus qu’il doutait de ma parole ; je ne savais pas ce que c’était que tromper ; je répétai, suffoquée :

— Je ne mens pas, moi. Lucien ne me l’a jamais dit !

Il murmura :

— Je ne parle pas de Lucien.

Puis il se tut, fit le tour de la chambre et revint à moi. Sa figure avait une expression presque aussi désolée que celle que j’avais vue le matin à Lucien. D’une voix basse, tremblante, il me dit :