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Un seul désir me possédait, ardent : parler avec quelqu’un du passé. Avec papa j’osais de moins en moins à mesure que toute espérance de retrouver les traces perdues s’enfonçait dans la nuit, et ce silence achevait d’élever la barrière qui nous sépare. Quand je vois ses yeux tristes fixés sur moi avec obstination, je me dis : « Il y pense ». Et moi aussi j’y pense, et je souffre, sans parvenir à briser l’esclavage qui m’enchaîne loin de lui.

Que de fois j’ai pleuré devant le portrait de maman en lui demandant de m’aider ! Quelquefois il me semble que son œil devient sévère et qu’elle me blâme ; d’autres fois elle paraît sourire avec une pitié qui me comprend, mais le plus souvent, tout à fait indifférente, elle a l’air de penser à autre chose que je ne sais pas, oui, comme si elle me disait : « Tout cela n’est rien… rien ».

Un jour, au retour d’une longue promenade en voiture avec papa, pleine de mon chagrin contenu et possédée de l’irrésistible désir de le partager avec quelqu’un, je courus à l’image toujours muette et immobile, mais qui m’accueillait pourtant de façons si différentes, et je l’interrogeai tout haut :

— Maman… maman ?…